L’IA a bouleversé l’agenda informatique. Mais la nécessité d’apporter rapidement de la valeur à l’entreprise, de faire face aux risques géopolitiques et d’assurer la pérennité de l’organisation IT est également en train de remodeler les réflexions stratégiques des DSI.
Les DSI sont confrontés à une longue liste de problèmes, dont la diversité mérite d’être soulignée. Aux préoccupations permanentes – sécurité, maîtrise des coûts, performance du SI – s’ajoutent désormais l’intelligence artificielle et le climat géopolitique, qui perturbent les activités habituelles, ajoutant toujours plus de complexité aux mandats des DSI.Quels sont donc les principaux sujets de préoccupation des DSI à l’heure actuelle ? Nous avons interrogé des DSI pour connaître les priorités de leurs agendas.1. L’évolution rapide de l’IALa plupart des responsables informatiques mettent en oeuvre l’IA dans leur entreprise depuis de nombreuses années, mais ils constatent que cette technologie évolue de plus en plus rapidement. C’est pourquoi suivre les progrès de l’IA est devenu l’un de leurs principaux problèmes.« L’explosion de l’IA et la rapidité avec laquelle elle s’est imposée à nous est pour moi le principal problème », dit Mark Sherwood, vice-président exécutif et DSI de Wolters Kluwer, une entreprise de services professionnels et de logiciels. « D’après mon expérience, l’IA a changé et progressé plus rapidement que tout ce que j’ai pu voir auparavant », ajoute-t-il.Pour suivre cette évolution, Mark Sherwood affirme s’efforcer d’intégrer l’innovation dans le quotidien de son équipe d’ingénieurs. « Je veux que nos ingénieurs innovent, et on ne peut pas le programmer ; cela vient quand cela vient. Dès lors, trouver des moyens permettant à l’équipe d’innover a été une de mes grandes priorités », dit-il.Mark Sherwood se concentre également sur la gestion du changement. « Nous voulons que les gens soient de plus en plus à l’aise avec l’IA, explique-t-il. Ce que nous disons désormais, ce n’est plus : ‘où pouvons-nous utiliser l’IA ?’, mais plutôt : ‘pourquoi n’utilisons-nous pas l’IA ici ?’ ».2. L’IA au service de la DSILes DSI ainsi que leurs équipes s’interrogent aussi sur l’impact que l’IA peut avoir sur la productivité de la DSI elle-même. Jamie Smith, DSI de l’Université de Phoenix (Arizona), s’est attaqué à cette question depuis un certain temps et a trouvé de nombreuses pistes intéressantes. « L’IA est en train de remodeler l’organisation de la technologie », affirme-t-il.Il cite en exemple les changements intervenus dans la manière dont son service crée des logiciels. Plusieurs de ses quelque 40 équipes produits sont passées d’un total allant de sept à neuf membres à seulement trois, car ces équipes ont adopté l’IA pour effectuer une plus grande partie du travail. En outre, chacun des membres de ces équipes, assistées par des IA, s’occupe d’un plus large éventail de tâches, au lieu de se spécialiser.Selon Jamie Smith, les informaticiens doivent posséder des compétences et des caractéristiques spécifiques pour utiliser l’IA avec succès. Ils doivent notamment être à l’aise avec le risque et la rapidité d’exécution. Et posséder des compétences techniques généralistes, et pas seulement des expertises pointues. Sans oublier, évidemment, d’être à l’aise avec les différents outils d’IA.3. Les cyberattaques dopées à l’IA« La cybersécurité est toujours un problème ; j’ai peur pour des raisons différentes chaque année. Cette année, c’est la sophistication accrue du phishing, des deepfakes et d’autres attaques utilisant l’IA », explique Jamie Smith.À titre d’exemple, le DSI de l’université cite des pirates qui utilisent l’IA pour créer des sites web réalistes imitant des fournisseurs afin de soumettre des factures à la comptabilité. Ou encore ces techniques d’attaque qui utilisent l’IA pour créer de faux profils de cadres en ligne à des fins malveillantes.« L’élément émergent est l’utilisation de l’IA pour des attaques sophistiquées d’ingénierie sociale et leur utilisation pour s’attaquer au maillon faible de la sécurité, à savoir les personnes », explique le DSI.4. Tirer le meilleur parti des AIOpsMike Trkay, DSI de FICO, une société d’analyse de données, considère aussi que l’IA appliquée à l’IT est un enjeu majeur. Mais il cite plus particulièrement les AIOps et la gestion intelligente des événements. « Les plateformes numériques modernes génèrent des volumes stupéfiants de télémétrie, de journaux et de mesures dans une architecture de plus en plus complexe et distribuée. Sans systèmes intelligents, les équipes informatiques se noient dans les alertes ou manquent des signaux critiques au milieu du bruit, analyse-t-il. Ce qui était autrefois un monitoring basé sur des règles – un défi assez facilement gérable – s’est transformé en un problème de big data et de Machine Learning. »Et de poursuivre : « ce changement exige que les organisations informatiques repensent la façon dont elles ingèrent, gèrent et agissent sur les données opérationnelles. Il ne s’agit pas seulement d’observabilité, mais aussi d’interprétabilité et d’actionnabilité à l’échelle. À l’ère de l’infrastructure alimentée par l’IA, les systèmes doivent aller au-delà des alertes de seuil pour fournir des informations contextuelles et une remédiation intelligente. Cela a un impact direct sur la disponibilité des SI, la rapidité de la réponse aux incidents et, in fine, l’expérience client. »Mike Trkay explique que FICO applique des modèles d’IA pour la détection des anomalies, la constitution de seuils dynamiques, la corrélation des événements et l’identification des ‘root causes’ probables. Il intègre également le triage et l’automatisation assistés par l’IA afin d’augmenter la vitesse opérationnelle et réduire la charge de travail des équipes.5. Créer de la valeur, et rapidementAlors que les DSI se demandent où et comment utiliser l’IA et d’autres technologies, ils recherchent avant tout des initiatives qui apporteront de la valeur à leur organisation, souligne Thomas Squeo qui, en tant que directeur technique du cabinet de conseil en technologie Thoughtworks Americas, travaille avec les DSI pour répondre à leurs principaux problèmes et priorités. « La majorité des discussions que j’ai avec les DSI portent sur la manière de raccourcir le délai d’obtention de la valeur ajoutée », explique-t-il.Un constat partagé. Le cabinet d’analystes Info-Tech Research Group affirme que la mise en place « d’équipes produits captant la valeur de l’IA » est l’une des cinq principales priorités des DSI en 2025. « L’exploitation des possibilités offertes par l’IA nécessite une réponse exponentielle, indique Info-Tech dans une étude. Il est de la responsabilité du DSI de briser les silos entre la DSI et le reste de l’organisation afin de concrétiser cette opportunité. »Le rapport 2025 Global CIO Report de Logicalis, fournisseur d’infrastructures et de services technologiques basé au Royaume-Uni, note que « les leaders technologiques doivent trouver un équilibre entre l’innovation et la création de valeur effective ». Selon cette étude, 95% des organisations investissent dans la technologie pour créer des activités entièrement nouvelles. Mais, selon ce même rapport, « un grand nombre d’entreprises reconnaissent que leurs investissements dans les technologies de nouvelle génération n’ont pas encore produit les résultats escomptés. Cet écart entre investissement et valeur effective a intensifié la pression sur les DSI. »6. L’irruption de la géopolitiqueLes DSI d’aujourd’hui sont également plus attentifs à l’actualité géopolitique et doivent déterminer ce qu’elle peut signifier pour eux, leur département et leur organisation. « Nous vivons une période d’incertitude sur le plan géopolitique et les DSI se demandent comment cela affectera les portefeuilles de projets, les budgets et les initiatives IT », explique Thomas Squeo.Par exemple, certains DSI rapatrient des équipes depuis l’étranger dans les pays où se trouvent l’essentiel de leur organisation en réponse au climat politique mondial actuel. D’autres demandent aux équipes IT et/ou aux équipes externalisées de travailler uniquement sur des initiatives concernant les pays où se trouvent ces collaborateurs, ajoute le CTO du cabinet de conseil en technologie.Mark Sherwood, de Wolters Kluwer, a lui aussi ressenti l’impact du climat géopolitique, puisqu’il a suivi les actualités concernant les tarifs douaniers pour la première fois cette année. « Nous ne sommes pas une entreprise manufacturière, donc nous ne sommes pas autant concernés que d’autres, mais c’est quand même un problème », dit-il. Et de souligner que toute augmentation du coût de l’équipement technologique de son entreprise internationale, à la suite des droits de douane, serait perceptible.Le DSI explique que lui et ses collègues dirigeants ont évité de réagir et qu’ils adoptent plutôt une « approche attentiste face à la plupart des nouvelles ». Néanmoins, il réfléchit déjà aux fournisseurs qui pourraient être les mieux placés pour atténuer l’impact des guerres commerciales et des droits de douane, le cas échéant.7. Incontournable maîtrise des coûtsBien que les coûts soient une question récurrente pour les DSI, ils ont pris une importance accrue cette année en raison des augmentations significatives des biens et services ces dernières années, suite à l’inflation et aux soubresauts de l’environnement géopolitique.« La maîtrise et le contrôle des coûts restent une question importante, car nous constatons des augmentations massives de certains tarifs, tels que les licences. Certains DSI voient les coûts de renouvellement de leurs contrats exploser par un facteur multiplicateur et n’ont alors d’autre choix que de payer », note Dave Borowski, associé principal et responsable du bureau de Washington de la société de services West Monroe.Mike Trkay, de FICO, cite la gestion des dépenses comme une problématique, mais avec un focus marqué sur les coûts liés à l’IA et au cloud. « L’adoption rapide de l’IA générative a entraîné une escalade et des dépenses cloud souvent imprévisibles, en particulier en raison des applications intensives en GPU et de la fragmentation des projets pilotes », souligne le DSI, ajoutant qu’il incombe aux leaders IT de trouver un équilibre entre innovation et responsabilité financière. « Cela implique non seulement d’ouvrir la voie à des solutions d’IA de pointe, mais aussi de s’assurer que ces initiatives sont rentables et alignées sur les objectifs de l’entreprise. Les départements IA doivent mettre en place des cadres de gouvernance solides pour évaluer le retour sur investissement des projets d’IA et éviter le gaspillage de ressources. »Pour ce faire, Mike Trkay explique que FICO adopte une approche plus disciplinée des investissements en IA en priorisant les cas d’usage à forte valeur et en se concentrant sur les projets présentant des avantages clairs et mesurables pour l’organisation. Par ailleurs, la société spécialiste des scoring de crédits met en oeuvre des outils d’optimisation des coûts et applique même l’IA pour optimiser l’IA. Elle mise aussi sur une stratégie multicloud pour sélectionner les générations de GPU et les types d’instance appropriés en fonction des exigences de performance de chaque application.« Ce passage de l’expérimentation à grande échelle à des initiatives d’IA ciblées et axées sur le retour sur investissement représente une maturation dans l’approche de la technologie et dans la manière dont les organisations équilibrent l’innovation avec des pratiques financières durables, la performance avec la responsabilité », ajoute le DSI.8. Gérer les compétences« Les compétences technologiques sont un problème majeur depuis des années et continuent de l’être », note Dave Borowski de West Monroe, expliquant que les DSI se concentrent sur la disponibilité des compétences et sur la concurrence pour se les attacher – deux problèmes qui restent aigus.Surtout, les décideurs tentent de déterminer les compétences dont ils auront besoin au cours des deux prochaines années, une cible plus mouvante que jamais. Selon l’étude 2025 State of IT Skills Survey du cabinet de recrutement Revature, 77% des organisations interrogées ont déclaré être touchées par le manque de compétences IT et 84 % des décideurs sont préoccupés par la recherche de profils adaptés en 2025.9. Encadrer les risques, y compris ceux liés aux tiersL’enquête 2025 de CIO.com sur la DSI a classé les initiatives technologiques en matière de sécurité et de gestion des risques parmi les principales priorités de la dépense IT. Elles arrivent en deuxième position sur la liste des plans pour l’année parmi les répondants (le Machine Learning et l’IA étant évidemment numéro 1)Pour Mark Sherwood (Wolters Kluwer), il y a de bonnes raisons à cela. « Les acteurs malveillants continuent d’être plus intelligents et mieux financés, et ils tirent parti de l’IA plus que tout autre acteur sur le marché, explique-t-il. C’est ce qui nous maintient éveillés la nuit. »La DSI fait justement appel à cette vigilance : « Je veux que nous soyons inquiets en permanence, car la confiance crée un faux sentiment de sécurité ». En même temps, il reconnaît que les départements IT ne peuvent pas être verrouillés à 100 %. Il s’appuie donc sur le répertoire des risques de son organisation pour prendre des décisions stratégiques, en le révisant tous les mois et en l’adaptant en fonction des circonstances.Diane Carco, ancienne DSI et aujourd’hui présidente de la société de conseil en management Swingtide, affirme que les risques liés aux tiers, en particulier, sont devenus une préoccupation beaucoup plus importante pour les DSI au cours des dernières années. « Presque tous les risques de sécurité proviennent aujourd’hui de tiers, et de plus en plus d’organisations IT doivent renforcer leur gestion des risques liés à ces tiers », juge-t-elle.10. Préparer l’avenirLes progrès de l’IA, de l’informatique quantique et d’autres technologies, ainsi que les transformations constantes de l’époque et la nature imprévisible du monde, amènent les dirigeants, y compris les DSI, à préparer l’avenir de leur organisation.« Je me demande en permanence si nous continuons à nous adapter à l’évolution des choses, explique Mark Sherwood. Si je regarde combien de temps je consacrais à la préparation de l’avenir il y a dix ans, c’était indubitablement moins. Les choses évoluaient alors plus lentement. Aujourd’hui, c’est un processus de réflexion quotidien, ou au moins hebdomadaire, qui consiste à se demander si nous construisons une organisation capable de s’adapter à une telle quantité de changements. »Par exemple, le DSI souhaite désormais compter dans son équipe davantage « d’athlètes multisports » – selon son expression – que de purs spécialistes, afin de s’assurer que ses collaborateurs soient désireux et capables d’évoluer en fonction des changements de l’activité. Il recherche également de réels partenaires technologiques capable d’étendre les écosystèmes qu’elles apportent avec leurs prestations ou produits, afin de l’aider à se préparer à l’avenir.Selon Dave Borowski, de West Monroe, les DSI les plus attentifs à cette accélération des horloges évoluent eux aussi, car leur rôle continue de se transformer en agent de changement et en partenaire stratégique des métiers et de la direction générale. Les DSI doivent ainsi posséder le leadership nécessaire pour stimuler l’innovation et développer des stratégies au fur et à mesure de l’évolution de leur fonction. Une mue indispensable s’ils veulent, eux aussi, être prêts pour l’avenir.
L’IA, la cybersécurité, la modernisation de l’informatique, les lacunes en matière de compétences et les préoccupations budgétaires restent au coeur des préoccupations des responsables IT. Mais la façon dont ils abordent chacun de ces sujets évolue à mesure que le paysage informatique se transforme.
Ce sont des questions récurrentes qui dominent l’agenda des DSI aujourd’hui : comment stimuler l’innovation tout en assurant des opérations IT sécurisées et modernes ? ; comment réunir les compétences préparant l’avenir ? ; ou encore, comment contenir les coûts malgré leurs fluctuations et le besoin de dégager des moyens pour l’innovation ?Mais alors que la dernière enquête de CIO sur l’état de la DSI identifie les initiatives en matière d’IA, la cybersécurité, les efforts de modernisation et les besoins en compétences comme les principaux sujets à l’agenda des DSI cette année encore, des changements subtils dans la meilleure façon d’aborder ces tâches peuvent être décelés par les questions clés auxquelles les DSI sont confrontés dans chacun de ces domaines. Voici comment ces subtiles inflexions se traduisent sur les priorités des dirigeants IT.1. Comment s’assurer de la valeur de l’IA, sans compromettre la sécurité ?L’époque où l’on se concentrait principalement sur les expérimentations de l’IA et la validation de concepts est révolue. Aujourd’hui, les dirigeants veulent que leurs DSI identifient comment l’IA peut apporter une valeur mesurable à l’organisation, souligne Mark Taylor, PDG de la Society for Information Management (SIM), une association professionnelle à but non lucratif. Selon lui, cela oblige les DSI à se demander « où sont les mises en oeuvre de l’IA à forte valeur ajoutée ».Pour Saby Waraich, DSI du Clackamas Community College, un établissement d’études supérieures situé dans l’Oregon (Etats-Unis), il s’agit de définir ce qui constitue un bon cas d’usage de l’IA et de déterminer la meilleure façon de tirer le maximum de valeur de ces mises en oeuvre. Le DSI, qui est également président de la section SIM de Portland (Oregon), explique que cet objectif l’aide, lui et son équipe, à hiérarchiser les projets d’IA en fonction des retours sur investissement attendus, plutôt que de se fier à l’enthousiasme suscité au sein des équipes.Par exemple, Saby Waraich a récemment intégré des outils d’IA générative dans les processus de cybersécurité du Clackamas Community College. L’IA analyse si les courriels signalés comme suspects sont bien des tentatives d’hameçonnage, alerte le personnel de sécurité sur les résultats et rédige des réponses aux utilisateurs qui ont signalé les messages suspects. Ce n’est peut-être pas un projet tape-à-l’oeil, mais il a donné d’excellents résultats, selon le DSI. Les outils d’IA peuvent réaliser en une dizaine de minutes le travail qui prenait habituellement quelques heures aux employés, ce qui représente un gain de productivité considérable.Selon Tejas Patel, responsable de la stratégie technologique et du conseil pour la zone Asie-Pacifique chez Accenture, les DSI doivent cibler des gains significatifs de ce type-là. Et également réfléchir à la manière dont ils peuvent tirer parti de ces gains. Ainsi, Tejas Patel conseille aux DSI de se poser la question suivante : « Comment faire évoluer l’IA de manière sûre et rapide sans contracter une dette technologique trop importante ? »Les DSI, explique-t-il, doivent rapidement mettre à l’échelle les déploiements d’IA pour s’assurer que leurs organisations restent compétitives, car la technologie évolue si rapidement qu’ils risquent d’être rapidement distancés s’ils ne le font pas. Ils doivent également être attentifs aux outils d’IA qu’ils adoptent pour s’assurer qu’ils sont à même de suivre le rythme de cette évolution. Enfin, ils doivent constamment veiller à la sécurité afin de ne pas introduire des niveaux de risque inacceptables liés à l’exposition des données, que ce soit via des cyberattaques ou par des fuites d’informations violant des réglementations et détruisant la confiance des clients ou employés.Tejas Patel reconnaît que la recherche d’un équilibre entre tous ces éléments constitue un réel défi. « Compte tenu des pressions et des coûts qui s’accumulent, les DSI savent qu’ils doivent être intelligents et plus réfléchis dans leur stratégie d’IA », ajoute-t-il.2. Comment aligner cybersécurité et appétence au risque de l’organisation ?Les DSI, ainsi que les directions générales et membres du conseil d’administration, « réalisent que les piratages et les perturbations causés par des acteurs malveillants sont inévitables », estime Mark Taylor de la SIM. Cette prise de conscience a fait évoluer les programmes de sécurité, qui sont passés de mesures essentiellement défensives à des initiatives qui font évoluer en permanence la capacité de l’organisation à identifier rapidement les brèches, à y réagir et à reprendre ses activités aussi vite que possible après une attaque, ajoute Mark Taylor.L’objectif aujourd’hui est d’assurer la résilience – même si les acteurs malveillants et leurs stratégies d’attaque évoluent. Pour ce faire, les opérations de sécurité doivent être suffisamment souples pour s’adapter à un paysage de la menace en constante évolution et s’aligner sur la tolérance au risque de l’organisation, qui est elle aussi susceptible d’évoluer dans le temps.« Nous nous demandons : “Comment pouvons-nous évoluer en permanence ? Comment nous améliorer ? Comment devenir une organisation plus mature ?” », résume Joshua Bellendir, vice-président senior de l’informatique et DSI de WHSmith North America, la branche nord-américaine de la chaîne de librairies britannique.3. Quelle infrastructure déployer pour s’adapter au rythme de l’entreprise ?Pour Thomas Phelps IV, DSI de Laserfiche (un spécialiste de la gestion de documents, originaire de Californie) et membre du conseil consultatif de l’Institut de recherche SIM, s’assurer que les opérations informatiques répondent au climat métier en évolution rapide est le facteur clé pour déterminer les technologies à remplacer et les nouveaux investissements à réaliser.Le DSI et d’autres responsables informatiques admettent volontiers qu’il n’est pas facile de mettre en place une stack technologique capable de se croître ou se rétracter en fonction des besoins de l’entreprise, et d’évoluer rapidement pour tirer parti d’un paysage technologique en constante évolution.« La modernisation est une cible mouvante, car une fois votre initiative en la matière menée à bien, quelque chose de nouveau peut apparaître, qui sera meilleur et plus automatisé. L’ensemble de l’infrastructure évolue très rapidement », souligne Diane Gutiw, vice-présidente et responsable de la recherche sur l’IA chez CGI, une société de services et de conseil.Il existe des stratégies pour relever ce défi, explique Mark Taylor, de SIM, qui conseille aux DSI de se concentrer sur l’accès aux données lors de l’ajustement de leur stack technologique, car le succès à l’ère de l’IA et de l’automatisation dépend fortement de l’acheminement des données vers l’endroit où elles sont nécessaires. Brian Jackson, directeur de recherche chez Info-Tech Research Group, est du même avis : « Il s’agit de trouver des solutions qui permettent de sortir les données des anciens systèmes et de les placer dans un nouveau schéma où [les entreprises] peuvent les évaluer et les utiliser au sein de systèmes d’IA modernes. »Tejas Patel d’Accenture souligne qu’en agissant ainsi, les DSI seront mieux armés pour « tirer parti de l’automatisation, de l’IA et des agents, avec l’ambition de viser le zéro contact [pour les opérations informatiques] ». La clé d’une infrastructure réactive, explique-t-il, est d’éliminer autant d’efforts manuels que possible. Les opérations automatisées augmentent la réactivité et réduisent les coûts, ce qui permet aux DSI de réorienter les budgets des dépenses opérationnelles vers l’innovation, faisant ainsi de leurs départements une entité moderne. « L’objectif est d’alléger les opérations et de réorienter les ressources vers le développement de nouvelles capacités », insiste Tejas Patel.4. Comment préparer l’équipe aux besoins de demain ?Pour Brian Jackson d’Info-Tech, le succès à long terme des DSI dépend d’abord de l’identification des compétences nécessaires pour devancer la concurrence et de l’élaboration de stratégies de gestion des compétences qui garantissent le recrutement et la formation en préparation des besoins de demain.Thomas Phelps convient qu’une solide stratégie de perfectionnement et de montée en compétences est essentielle pour développer les capacités nécessaires à la croissance de l’entreprise, tandis que Diane Gutiw, de CGI, est un peu plus précise, affirmant qu’il s’agit de s’assurer de disposer des compétences sachant utiliser l’IA pour faire leur travail mieux et plus rapidement.Comme le souligne cette dernière, les recherches montrent que les collaborateurs qui ne savent pas comment utiliser l’IA seront remplacés non pas tant par la technologie elle-même mais par d’autres compétences qui savent comment travailler avec et parallèlement à l’IA. Par conséquent, elle estime que les DSI devraient se demander si eux-mêmes et leurs responsables d’équipe sont prêts à accueillir une main-d’oeuvre hybride, où collaborateurs humains et IA travailleront de façon intégrée.« Les DSI devraient se demander comment modifier ou adapter leurs activités actuelles pour gérer une main-d’oeuvre hybride. À quoi ressemble l’avenir du travail ? Comment gérer cela de manière sûre et responsable tout en tirant parti des gains d’efficacité ? Et comment permettre à mon personnel d’être innovant sans enfreindre la réglementation ? » souligne Diane Gutiw, qui ajoutent que les managers d’aujourd’hui « sont la dernière génération de personnes qui ne gèrent que des humains ».Tejas Patel, d’Accenture, estime, lui aussi, que les DSI devraient chercher à créer « le bon modèle opérationnel au sein de l’organisation afin que les humains et les machines puissent collaborer et générer une valeur croissante ». Et d’ajouter : « Les DSI doivent s’assurer que les gens voient cette évolution comme une opportunité, que l’arrivée de l’IA se traduit par des progressions de carrière et de la croissance. »5. Comment contrôler les coûts pour rediriger les budgets vers l’innovation ?De nombreuses organisations continuent d’investir dans l’informatique, 65 % des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête 2025 sur l’état de la DSI déclarant s’attendre à des augmentations de budget IT – avec une augmentation moyenne de 6,9%. Cependant, les DSI déclarent que le coût de gestion et de maintenance de leur stack technologique actuelle a augmenté plus rapidement que les budgets consacrés aux projets et à l’innovation.Brian Jackson, d’Info-Tech, attribue une grande partie de ce choc des prix à la flambée des coûts des services cloud. « Les DSI constatent que les factures sont plus élevées que prévu et envisagent même de rapatrier certaines applications », note-t-il. Selon lui, un pourcentage croissant de DSI adopte une démarche FinOps pour contrôler ces coûts d’exploitation. En outre, les responsables informatiques rationalisent et renégocient les contrats et les services des fournisseurs afin de mieux maîtriser leurs coûts.Il est toutefois important de noter que ce travail ne consiste pas uniquement à réduire les dépenses informatiques, comme cela a pu être le cas par le passé, précise Brian Jackson. Il s’agit plutôt d’aider les DSI à réduire les coûts des tâches à faible valeur ajoutée, telles que la maintenance, afin de redéployer l’argent ainsi économisé pour financer des initiatives de croissance et d’innovation à forte valeur ajoutée.Pour Tejas Patel, les DSI doivent avant tout déterminer l’équilibre optimal entre les dépenses d’exploitation, les dépenses d’investissement, la dette technologique et les dépenses d’innovation. « La question est de savoir où se situe le bon équilibre, quelle est la bonne répartition. C’est ce que les DSI doivent chercher en permanence à déterminer », dit-il.Thomas Phelps se concentre sur cette dynamique et déclare examiner les contrats et les services de ses fournisseurs pour s’assurer « qu’ils contribuent réellement à la croissance de l’entreprise et qu’ils le font d’une manière qui permet de gérer les coûts et d’assurer l’adoption d’outils novateurs par les utilisateurs ». Et se dit attentif à l’affectation des fonds entre gestion/maintenance, projets du quotidien et innovation. Il s’agit de s’assurer que « nous affectons ces dépenses de manière appropriée », indique le DSI.





